Les Cent jours de Nicolas Fouquet’s A ces quelques libres enfants de 1968 devenus des barbares
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Essai. 2008.
424 pages
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Description
Méfiez vous de la première impression, c’est la bonne.
L’auteur de ce journal réagit aux premiers « cent jours » de la présidence de Sarkozy, prémisses de ce qui devait suivre.
Il y réagit librement, sans ordre prédéterminé, selon la méthode que Montaigne revendique dans ses essais, alternant le commentaire des premiers actes du nouveau président et, par exemple, un dialogue philosophique très approfondi sur les fondements de l’idée de nation.
Simon Archipenko est républicain, sans doute plus que ne l’était Voltaire dont il se réclame.
Et c’est à juste titre qu’il voit dans les actes du nouveau président des manquements aux traditions républicaines, peut-être même la volonté de les subvertir radicalement.
Que la République, dans sa tradition française, ait eu affaire à l’argent, les marxistes qui parlaient de la « République bourgeoise » nous avaient déjà prévenu. Des excentricités du Directoire (la Première République ne s’arrêta pas au 9 thermidor !) aux affaires qui sont ponctué la Troisième (Wilson, Panama, Stavisky etc.), la collusion de la République avec l’argent est avérée. Elle ne le fut cependant jamais de manière aussi ouverte, aussi vulgaire, que dans la fameuse nuit du Fouquet ‘s (antithèse sans doute de celle du 4 août) que celui que l’auteur appelle justement le « parvenu de l’Elysée » offrit à ses amis, généralement fortunés, après sa victoire.
Car si la République n’est pas autant que le souhaitaient Aristide ou Jean-Jacques Rousseau, affaire de vertu, elle reste affaire de goût. Or ce sont les limites de celui-ci que le nouveau président a outrepassé outrageusement à son avènement.
La rupture avec la tradition républicaine, l’auteur la voit aussi dans la volonté de déconstruction systématique du service public, en consonance avec des références américaines outrées, le trop fameux « consensus de Washington », charte de l’hyper libéralisme. Il a raison. Hyperlibéralisme va avec mondialisme. Il est tragiquement significatif que Paul Jalatte, chef d’entreprise à l’ancienne qui avait créé, par son sens de l’initiative, plusieurs centaines d’emplois dans le Gard, se suicide le 36e jour de la présidence Sarkozy, pour protester contre la délocalisation de son entreprise qui était aussi son enfant. Avec une émotion touchante dont on lui sait gré, l’auteur évoque cet épisode.
Comment ne pas se rallier à l’essentiel de sa profession de foi aux valeurs républicaines qui, dit-il, ne sont pas dépassées : « Face à la précarité et à l’individualisme, il y a besoin d’égalité et de solidarité. Face aux communautarismes, il y a besoin de laïcité. Face à la marchandisation généralisée, il y a besoin de service publics et de développent durable. Face à la concentration des pouvoirs, il ya besoin de démocratie libre et de pluralisme. Face à l’explosion des nationalismes, au risque de guerre des civilisations, et aux inégalités internationales, il y a besoin d’Europe et d’internationalisme. » ?
Catholique et français, je demande cependant à l’auteur de m’autoriser deux réserves, qui n’en sont pas vraiment. Comme français, je crois certes au besoin d’Europe, mais le danger me semble plutôt aujourd’hui celui de l’attrition de la nation, sous l’effet du mondialisme et d’un européisme dévoyé qui n’en est que le relais. L’auteur, qui est un républicain au sens de Chevènement, n’en disconviendra d’ailleurs pas : ses développements sur les abus de l’Europe des régions, qui ne visent à qu’à détruire l’Etat et sa forme française, la république, sur la décomposition de la Belgique, sur les racines nazies, trop méconnues, de l’Union européenne, sont exemplaires et profondément instructives. Nous y souscrivons pleinement.
Comme catholique, je n’attacherai pas autant d’importance que lui à la nomination de Christine Boutin. La laïcité n’a jamais interdit de vie publique les croyants, que je sache. Sinon, il faut saisir la HALDE – qui n’est pas ménagée non plus, à juste titre… Que le ministre du logement ait appelé un prêtre à son cabinet, comment est-on censé le savoir, puisque la République, qui « ne reconnait, ni ne subventionne aucun culte », est supposée ignorer le sacrement de l’ordre ? L’intéressé fut d’ailleurs recruté sur sa supposée compétence en matière de banlieues, non de théologie.
Compétence, c’est là qu’il y aurait beaucoup à dire : je pourrais, sur ce chapitre de la laïcité, jouer le Cyrano de la tirade du nez. Vous voulez vous payer les cathos, Monsieur le voltairien ? N’en restez donc pas à la surface des choses : dites nous ce qu’a fait d’utile pour le logement ou pour la ville la dite Christine Boutin – sauf une loi désastreuse qui écarte des HLM les travailleurs moyens et renforcera leur caractère de ghettos ? Dites nous combien le fameux discours du Latran, concocté par une certaine Emmanuelle Mignon, avant d’être une atteinte à la laïcité, fut une opération maladroite, témoin de la démagogie grossière du président en direction de la « clientèle catholique » . Le Saint Père, devant qui l’homme du Fouquet’s lisait ses SMS en compagnie de Bigard, ne fut sûrement pas dupe. Encore plus maladroit fut le honteux discours de Dakar, élucubré non par Mignon mais par le ci-devant républicain Guaino, pot-pourri des préjugés beaufiques les plus ignorants et les plus désobligeants sur l’Afrique et les Africains.
On note au demeurant que l’auteur ne met pas au pilori les catholiques, dès qu’ils sont intelligents – et grands : c’est à juste titre que, contre les Coudenhove Kalergi, Schumann , Delors et autres « carolingiens » qui, pensent que « pour faire l’Europe, il faut défaire la France », il cite à la barre, en défense de la nation , d’abord Jean Paul II : « Cinquante ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, il importait de rappeler que ce conflit a eu lieu à cause de la violation du droit des nations », puis De Gaulle « La nation n’est pas source de conflits ; en revanche la négation de la nation es source de toutes les guerres . »
Dans le front anti-nation qui est évoqué à la page 130, toujours dans l’esprit de Cyrano, j’aurais eu moins de scrupule que lui, à ajouter la démocratie chrétienne, idéologie, parait-il, issue de christianisme : Bernanos disait à son sujet qu’ajouter quelque chose à chrétien était déjà faire injure à cette qualité. L’acharnent de cette école de pensée à l’encontre de l’Etat dit « jacobin » et donc couvert de sang, qui n’était pourtant pas différent de celui de Philippe le bel ou de Richelieu – cardinal de l’Eglise romaine, tout ce qu’il a de plus régulier -, n’a pas peu fait pour son discrédit, notamment quand cette école a investi le parti socialiste sous les couleurs de la deuxième gauche et une grande partie de notre haute fonction publique.
C’est à juste titre aussi que l’auteur montre que « les droits de l’hommistes, benêts compassionnels, sont les alliés du système libéral » preuve que toutes les traditions ont leurs perversions, y compris celle de 1789.
Excellents développements, très instructifs, sur la TVA sociale, dont l’auteur est spécialiste, la seule réforme en profondeur que « le président de l’Arépublique » aurait pu faire et que précisément il n’a pas faite, faute sans doute d’en avoir compris la portée.
« La première impression est la bonne », sauf qu’elle nous semble, en l’espèce, très en dessous de la réalité. Ce qui devait suivre les cent jours est allé à mon sens, bien au-delà, en matière de déconstruction, de ce qu’anticipait l’auteur de cet essai. Le discours du Latran n’est qu’un péché mignon, si j’ose dire, comparé aux effets dévastateurs d’une réforme brouillonne de la Constitution , de la servilité de tous les instants vis-à-vis de l’Amérique, dont la réintégration de l’OTAN n’est qu’un indice parmi d’autres, des affaires Tapie, Pérol etc. , de la RGPP, du lycée à la carte, du regroupent forcé – et forcené – des universités , sous l’effet de ce miroir aux alouettes qu’est le classement de Shanghai, de la culture du chiffre appliquée de haut en bas à l’Etat, de la fusion police-gendarmerie, de la loi sur les collectivités locales : toutes mesures qui aggravent les problèmes auxquels elles sont supposées porter remède et qui approfondissent le déliquescence de l’Etat, la démoralisation des fonctionnaires et , disons le pour finir, qui détricotent, non seulement la République, mais la France.