Histoire du monde

Nestor Makhno et la Makhnovchtchina

paysan d’Ukraine anarchiste-communiste

Inclus les Mémoires de Nestor Makhno
est publié en trois tomes
Nestor Makhno et la Makhnovchtchina – Ukraine
Crimée, Donbass, Bakhmout, Kiev, Kherson, Donetsk, Kharkiv, Dnipropetrovsk (Ekaterinoslav), Marioupol, Mykolaïv, Odessa, Zaporijia, mer Noire, mer d’Azov…

Cette terre a toujours été un lieu de passage depuis les conquêtes barbares, voire bien avant en ce qui concerne la Crimée.

Depuis la guerre déclenchée contre ce pays par la Russie le 24 février 2022, ces noms de lieux sont devenus familiers pour la plupart des gens comme le sont ceux de Lénine, Trotski, Nicolas II, Dénikine, Wrangel, Kropotkine, Bakounine, et… Joseph Kessel.

Lors de la Révolution d’Octobre 1917, des paysans d’Ukraine, anarchistes-communistes, une armée menée par Nestor Makhno se battait pour un autre projet de société que celui voulu, puis imposé par les bolcheviques.

Le lecteur trouvera dans ces ouvrages le récit écrit par Nestor Makhno lui-même de ce qui aurait pu modifier la face de l’ancien Empire russe, et celle du monde. Nous y verrons la fabrication de la légende noire fabriquée jusqu’à Paris, notamment le rôle peu glorieux de Joseph Kessel lorsqu’il tenta de faire accroire l’antisémitisme de Makhno dans son ouvrage Makhno et sa Juive.

Le lecteur côtoiera également les anarchistes français, espagnols, américains, et leurs figures tutélaires, Durruti, Godwin, Berkman, Voline, Archinov, Lecoin, Faucier, May-Picqueray, etc. Tous ont eu un contact avec Nestor Makhno.

Qui veut comprendre la situation de la guerre russo-ukrainienne depuis 2022 se doit de se procurer cet ouvrage.

***

Nestor Makhno et la Makhnovchtchina

Au total 865 pages de notre Histoire contemporaine…

Nestor Makhno et la Makhnovchtchina – Extrait

Je suis un paysan, né à Gouliaï-Polié, bourg de la région d’Ekaterinoslav, en Ukraine. Mes parents furent d’abord des serfs, puis des paysans libres.

Selon le récit de ma mère, leur vie fut épouvantable sous le servage. Encore enfant, elle fut battue deux fois à coups de verges. La première, parce que frappée par la femme de l’intendant, ma mère s’était sentie offensée et ne voulait plus faire les chambres chez elle ; la seconde, parce que libre de corvée pour une journée, elle n’avait pas voulu aller lier des gerbes pour trois kopecks, déclarant que ce n’était pas assez payé.

Chaque fois, l’intendant rapporta les faits au seigneur, qui lui enjoignit de se présenter sur le perron de la demeure, où elle reçut quinze coups de verges en présence du maître.

Je n’ai pas connu mon père, car j’avais à peine onze mois lorsqu’il mourut. Il avait été serf du même maître que celui de ma mère, un certain Chabelsky, lequel demeurait dans une de ses propriétés, non loin du village de Chépétovka, aujourd’hui Mestéropol, à sept kilomètres de Gouliaï-Polié.

Plus tard, bien que libre et marié, mon père n’eut d’autre ressource que de continuer à travailler comme journalier chez le même propriétaire. À ma naissance, il quitta cet emploi et s’embaucha comme cocher chez un riche juif, Kerner, propriétaire d’une usine à Gouliaï-Polié ; il mourut peu de temps après.

Deux ans avant sa mort, ma mère commença à accumuler des matériaux pour bâtir une maisonnette afin d’y loger toute la famille. Elle amassa des briques, toute seule, avec la plus grande patience. Au décès de mon père, la maisonnette était à peine commencée : il n’y avait que les murs. Orphelins, mes quatre frères et moi restâmes à la charge de notre malheureuse mère. Sa maisonnette inachevée, seule et démunie avec cinq enfants en bas âge, qu’allait-elle faire ? La pauvre perdit pied, ne sachant par quel bout commencer ni qui écouter.

[…]À force de l’entendre parler de la situation impossible de notre famille, j’ai fini par lui donner raison. Cependant, mes frères avaient entendu plus d’une fois les récits de ma mère sur la vie, les habitudes des pomechtchiki et sur leur cruauté, surtout à l’égard des paysans. Cela s’était gravé dans leur mémoire.

Aussi, un dimanche, étant venus nous rendre visite et ayant appris que ma mère était prête à me faire adopter par la propriétaire, ils la supplièrent d’y renoncer. Et c’est avec des larmes, non avec des paroles, qu’on essaya de résoudre le problème : fallait-il me donner à la propriétaire ou bien me garder à la maison ? Elle finit par céder et décida de me garder auprès d’elle encore quelque temps.

Une année passa, sans améliorer la situation familiale. Ma marraine demanda avec insistance mon adoption. Cette fois, ma mère n’hésita plus, elle accepta.

Je restais seulement quelques semaines chez ma nouvelle mère. Sevré de tendresse, j’étais nourri à part et sans trop de régularité. Ma mère, qui passait tous les jours, souffrait beaucoup en voyant mon état. Un jour, m’ayant trouvé seul et en larmes, elle décida de me reprendre. Elle me garda auprès d’elle et m’éleva comme elle put jusqu’à l’âge de dix-huit ans.

***

[…]Je ne me rappelle que très vaguement ma première enfance. Quand j’eus huit ans, ma mère me fit entrer à l’école du village. Je fus bon élève, l’instituteur se déclarait satisfait de moi ; ma mère était fière de mes succès. Mais cette période heureuse tourna court.

L’hiver venu, je fus entraîné par quelques camarades à faire l’école buissonnière pour aller patiner sur la rivière gelée. Cette nouvelle occupation m’absorba au point de me faire manquer l’école des semaines entières. Ma mère n’en savait rien, bien sûr. Le matin, elle me croyait toujours parti pour l’école avec mes livres. Le soir, elle me voyait rentrer.

En réalité, je ne fréquentais que la rivière. Après avoir patiné et joué jusqu’au soir avec une centaine de galopins de mon espèce, je rentrais à la maison d’excellent appétit.

J’arrivai chez lui dans un tel état qu’il craignit pour ma santé ; il me déshabilla, me frictionna avec de l’alcool et me fit coucher sur l’arrière-four. Ensuite, ma tante avertit ma mère. Elle accourut, pleine d’inquiétude, et apprit tous les détails de l’affaire. Alors, elle me coucha sur le banc pour me soigner à sa façon, avec un bout de corde nouée. Longtemps après sa cure, j’avais encore du mal à m’asseoir. Cependant, son principal effet fut de faire de moi un bon élève.[…]

***

Hélas, ces études sérieuses furent sans lendemain. Une dizaine de jours avant Pâques, plusieurs élèves de notre école, moi compris, se battirent à la sortie des classes avec des élèves de l’école paroissiale. Dans l’ardeur du combat, plusieurs arbustes furent saccagés à proximité du bâtiment de l’administration communale. Le lendemain, le maire du village vint voir notre directeur et demanda les noms des bagarreurs de la veille, afin de faire payer les dégâts par leurs parents.

Le directeur fit une enquête. D’abord, personne n’avoua, mais lorsqu’il déclara qu’il connaissait les poltrons, je racontai tout, en désignant également mes amis, lesquels furent obligés d’avouer à leur tour. En récompense de mes aveux complets, je reçus trois coups de règle sur les doigts et dus rester agenouillé une heure durant dans un coin de la classe. J’éprouvai une telle honte, une humiliation si profonde, que je ne voulus plus retourner à l’école.

En accord avec quelques amis, nous nous sauvâmes. Chez nous, racontant une tout autre version de l’affaire, nous accusâmes le directeur de nous avoir chassés. Bien entendu, les parents allèrent lui demander des explications, nous punirent et nous firent reprendre le chemin de l’école quelques jours après. Mais tout était brisé pour moi : je n’avais plus aucun plaisir à fréquenter l’école ni le cœur d’apprendre comme aurait dû le faire un garçon de neuf ans. C’est à grand-peine que je pus tenir jusqu’aux vacances d’été[…]

Nestor Makhno et la Makhnovchtchina

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